L’opération se fait sur la base d’un cours de 9,25 euros par action de l’agence de communication, soit une prime d’un peu moins de 9 %. Elle est formulée entièrement en cash.
Vincent Bolloré a décidé de mettre en branle son plan de rapprochement de ses deux actifs dans les médias, Vivendi et Havas, évoqué depuis mai dernier . Le groupe propriétaire de Canal+ et d'Universal Music va en effet racheter en cash au Groupe Bolloré, le principal véhicule d'investissement de l'homme d'affaires breton, ses 59,8 % dans l'agence de communication. Une fois le transfert de ce bloc validé par le Groupe Bolloré, normalement en juin, une offre public d'achat, également en cash, sera proposée aux autres actionnaires.
La transaction de la vente de gré à gré et de l'OPA se fera sur la base d'un cours de 9,25 euros par action, soit une prime de moins de 9 % sur le cours de mercredi soir. Elle valorise Havas environ 4 milliards d'euros. Vivendi estime que le cours a bien progressé depuis l'annonce d'un possible rapprochement entre les deux groupes et a fait valider ce prix par la banque Rothschild.Vivendi ne cherche pas à détenir 100 % d'Havas et pourrait se contenter des 60 % issus de la cession du bloc pour 2,4 milliards. Havas deviendra une activité au sein du groupe Vivendi comme Canal+ et Universal Music.
Ni les actionnaires de Vivendi, ni ceux de Havas ne seront amenés à se prononcer. Rien ne pousse les deux groupes à le faire, selon la direction de Vivendi. Alors que le conseil de surveillance de Vivendi a déjà un mandat pour ce type de transaction, le conseil d'administration d'Havas émettra un avis concernant l'offre et dira s'il recommande d'apporter les titres ou non.
Logique patrimoniale et dynastique
Evidemment, ce rapprochement répond à une logique patrimoniale et dynastique du point de vue de Vincent Bolloré. Formulé en cash, il permettra à Groupe Bolloré de réduire sa dette de 2,5 milliards actuellement et, à la marge, de se recentrer sur le transport et la logistique. Et non pas de se renforcer au capital de Vivendi, aujourd'hui détenu à un peu plus de 20 %, comme certains l'anticipaient, même s'il aurait pu devoir alors lancer une offre sur ce groupe pesant 23,6 milliards.
Yannick Bolloré, son fils et dauphin, restera PDG de Havas et gardera sa place au conseil de surveillance de Vivendi. Il est pressenti pour succéder à son père à la présidence du conseil de surveillance de Vivendi le moment venu.
Vivendi est également persuadé qu'il y a une logique industrielle à rapprocher les contenus et la publicité, notamment pour maîtriser cette fameuse data qui permet de cibler au mieux les consommateurs de contenus culturels comme la musique et les séries télés. Côté Havas, ses clients auront à leur disposition tout un savoir-faire de fabrication de contenus, dit ke groupe. « Vivendi sera dans une position unique avec Havas dans une industrie des médias en pleine mutation, explique Arnaud de Puyfontaine, le président du directoire de Vivendi. Avec une présence dans les contenus, les plates-formes de distribution que sont les telcos et la maîtrise de la communication et des données, nous avons d'excellentes cartes en main pour la compétition avec les géants du Web comme Facebook et Google. »
D'une certaine manière, l'opération entérine un rapprochement qui avait commencé du point de vue opérationnel. Yannick Bolloré avait rejoint le conseil de Vivendi récemment. Dominique Delport était à la fois numéro deux d'Havas et patron de Vivendi Content. Michel Sibony gérait les achats _et donc les économies de coûts_ aussi bien chez Canal+ que chez Havas.
Au total, le chiffre d'affaires du nouvel ensemble atteindra 13,7 milliards et son résultat brut d'exploitation (EBITDA) 1,7 milliard. Pour l'exercice clôturant en juin 2016, le groupe de télé britannique Sky avait dégagé 12 milliards de livres de revenus, soit 14,22 milliards d'euros. L'Américain Disney pèse lui 55 milliards de dollars de chiffre d'affaires.
Conflit d'intérêts
Vivendi était dans une situation de trésorerie nette d'un peu moins de 500 millions d'euros à la fin du premier trimestre. Il sera en situation d'endettement net de 1,9 milliard à 3,5 milliards, à l'issue de l'OPA et en fonction du nombre d'actionnaires minoritaires qui apporteront leurs titres à l'offre. Mais Vivendi estime que l'opération sera « relutive », c'est-à-dire qu'elle améliorera le profil de rentabilité puisque l'activité intégrée rapporte davantage que ne coûte la dette aux taux très bas actuels.
Le rapprochement d'un groupe de médias et d'une agence de communication, s'il est un retour aux sources pour Havas, ne manquera pas de soulever des questions de conflits d'intérêts. Martin Sorrell, patron de WPP, numéro un mondial du secteur, s'en était inquiété publiquement il y a plus d'un an. Arnaud de Puyfontaine assure aujourd'hui « qu'il n'y a aucune barrière réglementaire dans aucun pays à cette opération ». Le groupe fait aussi valoir que la Commission européenne lui a donné raison récemment sur sa bonne gestion des conflits d'intérêt existant déjà potentiellement. Arnaud de Puyfontaine a déjà répondu de manière indirecte à Martin Sorrell en soulignant que lui aussi prenait des participations dans des producteurs de contenus comme Vice et Les Nouvelles Editions Indépendantes de Matthieu Pigasse.