Le collège de l’AMF demande une sanction de 35 millions d’euros. Au cœur de l’affaire, la comptabilisation et la perception des frais de gestion sur des fonds à formule.
« Un dossier exemplaire » parce que « l'établissement mis en cause est Natixis Asset Management, une des plus grosses sociétés de gestion de portefeuille de la place » et « parce que ce dernier s'est affranchi des règles de la gestion d'actifs pour des produits de gestion d'actifs ». « Il en va de l'intégrité des marchés et de la protection des investisseurs ». Thierry Philipponnat, membre du Collège de l'AMF, organe de poursuite du gendarme boursier, n'a pas mâché ses mots lors de l'audience publique qui s'est tenue vendredi matin devant la Commission des sanctions, juge de l'AMF. Il a requis une sanction historique de 35 millions d'euros à l'encontre de Natixis Asset Management, assortie d'un blâme.
Prélèvement indus
Au coeur de l'affaire, la perception et la comptabilisation des frais de gestion sur des fonds à formule sur une période allant de 2012 à 2015. Ces fonds, structurés avec des produits dérivés, garantissent au porteur de récupérer, à l'échéance, l'intégralité de son capital investi (entre 6 et 8 ans) ainsi qu'une performance définie à l'avance, selon une formule mathématique. Les griefs portent essentiellement sur des commissions de rachats appliquées à des porteurs qui souhaitaient récupérer leurs liquidités avant l'échéance des fonds souscrits. Ces commissions ont donné lieu, selon le collège de l'AMF, à des « prélèvements indus ». NAM « s'est constitué un coussin excessif et se l'est approprié », a expliqué Thierry Philipponnat. Preuve de ces agissements : ces commissions ont été débitées de l'actif net des fonds pour être créditées dans un compte de dettes de la société de gestion d'actifs.
La société est aussi accusée d'avoir communiqué aux porteurs de parts une information « parcellaire » et « trompeuse». La société de gestion d'actifs aurait ainsi touché trop de frais par rapport au maximum de 2 % évoqué dans le prospectus.
Vice de forme
Pour sa défense, Natixis Asset Management a mis en avant certains vices de formes qui plaideraient pour une annulation de la procédure, comme la violation du secret professionnel (l'affaire a été révélée dans la presse, en août 2015, alors que la procédure est censée rester secrète jusqu'à l'audience devant la commission des sanctions, publique), ou encore l'existence d'une audition qui n'a donné lieu à aucun procès verbal. Celle-ci est jugée d'autant plus importante qu'il s'agissait de celle du directeur de la conformité, en poste au moment des faits, alors même que celui-ci était en contentieux avec la société de gestion.
Le cabinet d'avocats qui assure la défense de Natixis AM, Herbert Smith Freehills, s'est employé à démontrer que la société de gestion n'avait en aucun cas détourné ces sommes. Il a expliqué que les fonds à formule présentaient certaines spécificités, dans la mesure où la performance promise n'est pas aléatoire mais fixée par une formule mathématique, et que le fonds n'est pas géré de manière active, avec une intervention de la part d'un gérant, mais de manière passive.
Natixis AM a plaidé aussi le fait qu'aucun client n'avait été lésé, et qu'elle n'avait en aucun cas perçu des frais de gestion supérieurs à ce qui devait l'être. « Natixis Asset Management a toujours délivré la formule, et respecté le taux moyen des frais de gestion. Elle n'a jamais eu d'intention matérielle. Elle a agi de bonne foi dans sa façon de structurer les mécanismes financiers et comptables des fonds à formule. Les intérêts des porteurs n'ont pas été lésés. Quand il a fallu réinjecter des sommes pour atteindre le montant de la valeur garantie par les fonds à formule, NAM l'a fait », a précisé Matthieu Duncan, directeur général de Natixis Asset Management
La Commission des sanctions de l'AMF devrait rendre sa décision d'ici un mois.